mercredi 12 février 2014

Le voyage immobile de l'aventurier et écrivain Sylvain Tesson

                                                                         Un pas de côté

Je m'étais promis pour mes quarante ans de vivre en ermite au fond des bois.
Je me suis installé pendant six mois dans une cabane sibérienne sur les rives du lac Baïkal, à la pointe du cap des Cèdres du Nord. Un village à cent vingt kilomètres, pas de voisins, pas de routes d'accès, parfois, une visite. L'hiver, des températures de - 30°C, l'été des ours sur les berges. Bref, le paradis.
J'y ai emporté des livres, des cigares, de la vodka. Le reste- l'espace, le silence et la solitude- était déjà là.
Dans ce désert, je me suis inventé une vie sobre et belle, j'ai vécu une existence resserrée autour de gestes simples. J'ai regardé les jours passer, face au lac et à la forêt. J'ai coupé du bois, pêché mon dîner, beaucoup lu, marché dans les montagnes et bu de la vodka, à la  fenêtre. La cabane était un poste d'observation idéal pour capter les tressaillements de la nature.
J'ai connu l'hiver et le printemps, le bonheur, le désespoir et, finalement, la paix.
Au fond de la taïga, je me suis métamorphosé.
L'immobilité m'a apporté ce que le voyage ne me procurait plus. Le génie du lieu m'a aidé à apprivoiser le temps. Mon ermitage est devenu le laboratoire de ces transformations.
Tous les jours j'ai consigné mes pensées dans un cahier.
Ce journal d'ermitage vous le tenez dans les mains.

                                                                                                                                                          S.T.

Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie, 2011, édité en poche chez  Folio Gallimard en 2013


Carte de l'emplacement de la cabane

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